L’amour en chemin – 2/5

L’article précédent suggérait une définition des différentes formes d’amour. Peut-être vous a-t-il laissé sur votre faim en ce qui concerne la passion qui caractérise la relation amoureuse. Il semble qu’elle comporte différents aspects et qu’elle peut prendre différentes formes.

 amourenchemin

Je choisis d’en distinguer l’attirance physique, la relation fusionnelle, la passion amoureuse, la relation amoureuse et l’État d’amour

L’attirance physique mutuelle bien que paraissant inexplicable, est assez claire dans son objet. Elle est attirance pour le plaisir à obtenir avec l’autre : l’objet, c’est le plaisir, pas l’autre.

Elle peut donc se passer de sentiments, mais peut se confondre avec le sentiment d’amour. Même s’il n’y a pas à écarter qu’elle puisse évoluer ainsi, je crois qu’il est important de voir ce qu’elle est, donc de voir clair en soi, et d’être clair avec l’autre.

Dans cette clarté, si elle est passagère, je suppose qu’elle peut être l’occasion d’inscrire de très bons souvenirs, pour être bien avec eux, dans la fin de la vie.

Il me semble que cette éventualité s’est raréfiée depuis l’apparition du sida, et que la représentation de la vie sexuelle s’en est trouvée modifiée.

Je n’engage dans cette réflexion, ni le don de fidélité (qui ne peut être exigé), ni l’évaluation morale qui accompagne habituellement les questions de sexualité.

Je m’intéresse aux ‘’représentations’’, le plus souvent inconscientes, et plus particulièrement à celles qui participent au désir-devenir.

À supposer que le sida n’existe pas, il se pourrait qu’il n’y ait pas davantage d’aventures, ou de changements de partenaire.

Mais la représentation de l’éventualité que cela se produise, consciente ou non, serait plus naturelle, plus fréquente et plus importante.

Ce qui correspond au capital désir-plaisir potentiel, qui se trouve de nouveau réduit.

La relation fusionnelle se caractérise par l’absence d’autonomie des partenaires, il me semble qu’elle participe de l’illusion de possession mutuelle. Elle est exclusivité des affects et des pensées. Chacun s’impose ou se soumet à l’autre. Elle s’organise en stratégie dominé-dominant/prise en charge-dépendance selon un mode alternatif. Pendant un temps substitut d’une relation heureuse, elle devient rapidement prison, puis enfer.

La psychanalyse propose qu’elle s’appuie sur le transfert, rémanence de l’histoire affective avec les parents, et son contenu ambivalence haine/amour (je te déteste de ne pas m’aimer totalement ou de t’aimer tant que je ne vis plus, moi. Ou : tu vis = je meurs /je vis = tu meurs).

Il me semble que cette non-relation est une exigence, rémanence inconsciente, issue de l’enfant qui veut obtenir amour total, inconditionnel, et exclusif.

Pourraient en être victimes, soit des individus ayant manqué d’amour parental, soit des individus ayant obtenu un amour parental excessivement possessif et protecteur.

La demande serait : tu dois m’aimer comme j’aurais dû l’être quand j’étais petit ou tu dois m’aimer comme je l’ai été quand j’étais petit.

Cette relation se caractérise par le fait qu’elle devient complètement inappropriée, irréaliste, par rapport aux enjeux d’un couple adulte.

En effet, l’amour ne peut si ni s’exiger, ni s’acheter, ni être imposé, ni soumis, ni négocié.

Nous retrouvons ici le franchissement de la frontière du désir aux besoins, dus à l’intensité du manque, devenu tel qu’il est obsession de recevoir, avec impossibilité de donner et recevoir vrai. Il s’y ajoute une exigence de comportement et d’identité : tu dois te comporter comme je le veux et être ce que je veux. Ce qui devient : je n’aime pas ce que tu es, j’aime ce que je voudrais que tu sois, comme je voudrais que tu le sois.

C’est ainsi que l’amour se manifeste quelquefois en son inverse : la haine.

Dans ses débuts, la relation fusionnelle apparaît identique à la passion amoureuse, et peut se confondre avec elle. Je suppose cependant qu’elles présentent une différence de nature et d’intensité.

Dans la relation fusionnelle, les partenaires disparaissent ponctuellement et alternativement dans la représentation de l’autre. Il y a donc des temps de récupération de l’identité propre de chacun.

 

Dans la passion amoureuse, il se crée une entité troisième qui devient identité de remplacement des partenaires, et dans laquelle ils s’investissent totalement. Ils s’identifient à la relation amoureuse qui les unit. Dans cette relation, idéalisée, ils ne sont plus qu’un. C’est l’union-communion réalisée, et telle que se présente d’évidence pour eux l’impossibilité de vivre autre chose. La passion amoureuse se vit comme un don total de soi à l’autre. Plus exactement à la relation à l’autre. Du reste, elle procède de la suppression de l’ego, de l’individualité ; elle dévore : j’existe/tu existes, et sert exclusivement : il n’y a que nous. Et la tradition romantique témoigne que les partenaires préfèrent le suicide à la suppression de ce nous. Il semble donc qu’en général, la passion amoureuse ne puisse durer. Nous voyons que dans la relation fusionnelle, comme dans la passion amoureuse, les identités respectives sont déformées ou niées.

Tenter d’exister par l’autre, ou pour l’autre de manière exclusive conduit à l’échec. Il s’agit d’être avec l’autre, donc l’être par soi-même d’abord.

Ceci suggère ce que pourrait être une relation amoureuse mutuellement satisfaisante et saine. Il y faudrait que chacun existe, se sentent reconnu et aimé dans son identité propre, et que la relation soit un soutien et une aide pour qu’il/elle s’accomplisse, dans son unicité.

Dans cette idée, l’amour procéderait d’abord de la liberté et de l’amour de soi.

Pour ma part, il m’arrive d’aimer quelqu’un pour autant qu’il/elle me donne motif à m’aimer moi-même… Et de détester l’autre dans l’égale proportion des motifs qu’il me donne de me détester moi-même.

amourbougie

Merci de votre consultation,

Prochain article 3/5 : amour et besoins.

 

 

 

7 réflexions sur « L’amour en chemin – 2/5 »

  1. Merci Christian de cet article clair, inspirant et lumineux! Il me plait beaucoup de lire que l’amour se vit dans la liberté d’être soi Pour ma part il me semble qu’aimer est aussi aimer la liberté de l’autre, c’est à dire pour moi, aimer la dimension de l’autre.
    Au plaisir de vous lire.

    • Bonjour Cécile,
      Merci pour votre commentaire.
      Sur une intuition, j’ajoute qu’autant que je puisse me connaître,
      je resterai toujours peu ou prou un étranger pour moi-même;
      Et que ce  »différent » de moi, qui est pour toujours en moi,
      Je m’efforce de le rencontrer, de l’accepter, et de l’aimer.
      que vos jours vous gardent dans la meilleure compagnie:
      celle avec vous-même.

  2. Bonjour Christian,
    Cet article très complet est une belle analyse des différents états de la relation amoureuse. D’autant plus compréhensible que chacun d’entre nous a pu vivre ne serait-ce qu’un bref instant chacune des étapes. Le tout est de ne pas s’installer durablement dans des comportements déviants qui à la longue n’ont rien à voir avec l’amour. Mais il est pourtant si bon de ressentir pour quelques instants la morsure d’une passion amoureuse ou l’amour et la haine sont parfois si proches.
    Serge

    • Bonjour Serge,
      Alors je vous espère dans cette passion inextinguible de l’ amour de la vie, et qu’elle vous garde et vous protège. et si elle vous donne aussi une estime indéfectible de vous-même, tant mieux !
      Bonne journée.

  3. bravo Christian; très bonne et complète analyse;j’adhère totalement car j’ai connu ces divers stades. Evitez la passion car elle est souffrance comme l’indique son étymologie »patio »…de même que la fusion.LA COMMUNION CORPS/ESPRIT est
    le stade paroxysmique de l’amour selon moi;très rare mais je l’ai connu jusqu’au décès de mon épouse.Depuis j’ évolue dans les diverses formes de relation avec plus ou moins de bonheur.Plusieurs choix: 1+1=1 ou 2 ou 11? A bientot.PHILIPPE

    • Bonjour mon cher Philippe,
      Merci de ta fidèle consultation et de ton commentaire,
      j’y ajouterais : peut-être 3 ? en effet : 1 = une unité, + = une unité, et 1 = une troisième unité.
      Il est possible ainsi d’imaginer qu’une relation de couple ce peut être l’homme, la femme et la relation.
      Ce qui pourrait permettre d’éviter la remise en cause des personnes en cas de difficultés,
      et de travailler sur la qualité de la relation, ceci conformément aux principes qui fondent  »l’excellence relationnelle ».
      Je te souhaite aussi heureux que tu le mérites…

      • Bonjour mon T.C Christian;
        j’avais laissé exprès le champ ouvert sur le 3;pour moi,il correspond au ternaire-trinité? avec ma bien-aimée fille Céline
        fruit de l’union avec sa défunte et si regrettée maman Dominique
        1+1=1 comme union; ou 2=banale juxtaposition ou 11= vies parallèles indépendantes voire indifférentes donc 0 pointé…
        Merci en tout cas de nous faire profiter de tes réflexions; continue bien sur ce chemin!

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